Portrait d’une Réunionnaise

Je vous présente Betty, une collègue et amie, qui a accepté de bon cœur d’être interviewée. L’entretien s’est fait avec les moyens du bord, c’est-à-dire mon appareil photo qui est loin d’être un appareil professionnel. De plus, nous étions dans un bureau de l’administration et je n’avais pas prévu l’interférence du téléphone … !

Betty et moi

Betty se présente :

Betty parle de ses origines :

La place du créole dans son cursus scolaire :

Le bilinguisme dans son quotidien :

Betty nous donne sa définition de la créolité :

Transcription :

« – Bonjour Betty, est-ce que tu pourrais te présenter ?

– Bonjour, donc, Betty Martial, j’ai 43 ans, je suis enseignante depuis plus de 20 ans. Je suis mariée, j’ai trois enfants et j’ai eu l’occasion d’enseigner en primaire, au collège, en lycée général, et là je suis en lycée professionnel depuis plus de 10 ans. J’habite à Saint André et j’ai une maîtrise de créole et un master en lettres modernes.

– Betty, peux-tu nous parler de tes origines ?

– Oui, étant descendante d’esclaves, j’ai des origines multiples. J’ai appris, il n’y a pas longtemps, enfin, il y a un petit bout de temps quand j’ai fait ma maîtrise (il fallait faire des recherches sur nos ancêtres pour pouvoir démarrer ma maîtrise) donc j’ai appris que j’avais des origines malgaches, anjouanaises, chinoises et aussi de Pondichéry et de Calcutta. J’ai essayé de classer tout ça et j’ai recherché aussi des noms : j’avais un nom composé de 5 générations ce qui nous faisait quand même 12 noms de famille l’un à côté de l’autre et là, aujourd’hui, on en a gardé 2 seulement, c’est pour dire que les origines on les perd de plus en plus.

– Betty, quelle a-été la place du créole dans ton cursus scolaire ?

– Alors, j’ai eu la chance, dès la maternelle, d’avoir des maîtresses qui parlaient créole et donc, du coup, les premières questions étaient en créole et c’était le décodeur. Après, on est venu, petit à petit, au français et c’est vrai que les premières approches étaient en créole la plupart du temps. Quand je suis arrivée au collège, j’ai eu la chance d’avoir un professeur principal qui parlait bien créole et qui nous mettait à l’aise mais sinon, tous les autres parlaient français et ne comprenaient pas le créole ou ne voulaient pas comprendre le créole donc ça se passait plus ou moins bien et on a essayé de s’adapter. Mais c’est vrai que j’ai commencé vraiment à parler le français quand je suis arrivée à la fac.

– Et, on t’a appris à écrire en créole ?

– non, ça c’était une option que j’ai prise quand je suis arrivée au lycée puisqu’au collège, il y avait l’option mais c’était très limité, donc c’était pour les classes élites, on va dire. Quand je suis arrivée au lycée, je me suis inscrite en option créole et c’est là que j’ai eu ce goût d’apprendre le créole.

– Un auteur ou un chanteur que tu aimes bien ?

– Gilbert Pounia, j’aime bien sa façon d’écrire car c’est rare d’avoir des chansons qui s’écrivent et qui s’écrivent bien en créole et lui a cette chance-là.

– Betty, puisque tu es bilingue, quelle est l’utilisation de ces deux langues dans ton quotidien et puis une question un peu plus personnelle, rêves-tu en français ou en créole ?

– Alors, dans mon quotidien, c’est beaucoup de créole mais comme je passe la plupart de mon temps à mon travail, c’est le français. Après, quand on arrive à la maison, je reste en français car j’ai l’habitude de parler français toute la journée. Mais pendant les récréations, avec les collègues c’est le créole et même en classe pour les compréhensions, puisqu’on a beaucoup d’élèves créoles, c’est le créole qui est prioritaire après on arrive toujours sur le français. Partir du créole pour arriver sur le français, c’est mieux que le contraire. Donc dans mon quotidien, c’est beaucoup de créole et le français aussi a sa place. Dans mes rêves, bizarrement, je ne m’étais jamais posé la question, mais c’est vrai que c’est tout le temps le créole.

– Avec tes enfants, c’est le créole ?

– oui.

– et avec ton mari ?

– oui

– et tes amis ? ça dépend ?

– oui, ça dépend, je m’adapte.

– Betty, pour toi, qu’est-ce que c’est d’être créole ? Peux-tu donner une définition de la créolité ?

– La créolité, c’est tout un ensemble. C’est une culture d’une région, on ne va même pas parler d’une île, puisque dans une île, on a quand même plusieurs régions et dans chaque région, le créole et la créolité se vivent différemment donc ça dépend du secteur, ça dépend aussi des besoins et ça dépend de notre éducation. Donc pour moi, être un créole c’est manger créole, parler créole et surtout le respect et puis c’est surtout au niveau religieux.

– Merci Betty. «